top of page

CONCOURS DE NOUVELLES MLF 2014

 

De nombreux élèves du lycée français de Castilla y Leon ont participé cette année encore au concours de nouvelles, organisé par la MLF.

 

Le sujet retenu cette année était le suivant : « N’imitez rien ni personne. Un lion qui copie un lion devient un singe. » (Victor Hugo). Que les élèves partagent ou non le point de vue de l’écrivain, ils devaient rédiger une nouvelle à partir de cette phrase. Les participants au concours devaient respecter trois consignes obligatoires :

 

  • cette phrase devait être citée en début, en fin ou à n’importe quel moment du récit ;

  • l’histoire devait posséder un titre intéressant et accrocheur ;

  • la nouvelle devait présenter un rapport évident avec la phrase proposée.

 

Trois élèves sont allés au bout de leur projet, et ont été choisis par le reste de leur camarade. Il s’agit de Martina PELAEZ et Blanca PEREZ DE 2nde et d’Héléna RODRIGUO DE 4ème. Nous vous présentons leurs oeuvres ici.

 

Si les élèves n’ont pas remporté de prix, ils ont pu s’entrainer à écrire une nouvelle longue, en respectant une intrigue et une cohérence narrative importante. Nul doute que cette participation au concours leur donnera envie de continuer à lire en français, en anglais ou en espagnol, et qui sait… de continuer à écrire ? Bravo à elles trois en tout cas !

 

Les nouvelles sont disponibles au CDI, pour plus ample lecture. Les autres élèves pourront ainsi profiter des talents de nos trois écrivaines en herbe.

 

 

 

 

 

 

Le jury de la 11e édition du concours de nouvelles Mlf/OSUI s'est réuni en avril pour départager les 130 productions finalistes.

 

 

 

Au total, ce sont 1297 élèves qui ont participé à cette manifestation emblématique du réseau mlfmonde.

 

 

 

La remise des premiers prix a eu lieu pendant le congrès MLf/OSUI 2014, le mardi 13 mai à 20h.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

VOICI LES OEUVRES DE NOS 3 ÉLÈVES

 

 

 

Jean (M. Copie)

 

 

Jean-Pierre était d'une famille bourgeoise très riche, il appartenait à la famille '' Du Sylvestre''. Il était grand, fort, robuste et d'une peau très claire. Son visage qui était plutôt allongé et avait un petit nez et des yeux d'un bleu comme la mer étaient la cerise du gâteau. Ses cheveux étaient bruns avec des reflets dorés. Il aurait pu passer pour le dieu grec de la musique, de l'art, et du Soleil ; il aurait pu passer pour un Apollon un peu plus moderne. Il était fils unique, il avait tout ce qu'il voulait et son caractère était très difficile. Un jour, il voulut peindre (il pensait que c'était très facile et il pouvait impressionner tout le monde) et même si pour ses parents c'était un sacrifice et ils ne voulaient pas ; ils l'amenèrent chez un grand peintre, sculpteur et architecte italien. Les premiers jours furent un complet désastre, puisqu'il n'avait jamais pris un pinceau ni vu de la peinture à l'huile, un tableau ou une sculpture. Sa culture sur ce sujet était très limitée parce qu'il jouait aux osselets dans la rue au lieu d'aller à l'école et assister aux classes auxquelles il devait assister. Son maître de peinture, Filippo Abbiati, plus connu comme monsieur Abbiati et qui était très sérieux, avait plusieurs fois crié de rage, désespoir et avait été sur le point de devenir fou, se lancer par la fenêtre ou se suicider. Mais un jour, Jean s'améliora, soudain, il peignait et sculptait comme si le maître c'était lui. M. Abiatti ne voulut plus plus rien lui enseigner parce qu'il se sentait insulté et disait que M. Du Sylvestre était une insulte envers l'art, que M. Du Sylvestre était l'insulte parce que d'un jour à l'autre il savait faire tout parfaitement et que dans l'art, il y avait aussi l'expérience qui était très importante. Quelques mois après, Jean pouvait copier à la perfection toutes les œuvres d'art qu'on lui donnait. On le surnomma M. Copie.

 

Six mois après ses parents moururent d'une maladie contagieuse, on avait appelé les meilleurs médecins du moment, offert plus de 1 million de francs à celui qui trouverait le remède contre cette horrible maladie qui allait tuer M. et Mme de Sylvestre, mais tous les médecins avaient  cherché des remèdes mais ils n'avaient pas réussi aucune expérience. Ils étaient tous arrivés à la conclusion qu'on ne pouvait pas guérir M et Mme de Sylvestre. M. Copie resta donc sans parents, mais il hérita plus de 5 millions de francs, exactement 5,9 millions de francs qui était toute une fortune à ce moment-là. Maintenant il était orphelin et comme il était d'une famille très riche il n'avait jamais travaillé et il devait chercher du travail, ce n'était pas urgent, mais il devait le chercher; pour ne pas rester sans argent et faire quelque chose (il ne pouvait pas rester tout le jour à la maison sans rien faire). 

 

Comme maintenant c'était son argent et s'il en dépensait c'était le sien, il devint très avare. Et comme il n'avait pas de famille, beaucoup d' argent, il n’avait pas de cœur, pas de sentiments. Mais un jour, en parlant avec un ami qui venait de commencer des classes de peinture et de sculpture, il se rappela de M. Abiatti et de ses classes de peinture, sculpture et ses talents pour copier absolument toutes les œuvres d'art qu'on lui donnait. Il décida d'utiliser ses talents pour l'art. Il copierait les plus grands tableaux, les plus célèbres et les vendrait comme s'ils étaient les originaux avec un prix beaucoup plus élevé, tout le monde penserait qu'il est seulement un marchand d'art et comme ça il ferait fortune.  

 

Après quelques années consacrées à seulement copier, il avait perdu toute sa personnalité il ne pouvait pas faire un tableau par lui même il n'avait pas de goûts personnels il portait les vêtements que portaient tout le monde, ceux qui étaient à la mode, il mangeait tout ce que mangeait le reste des bourgeois, ces fêtes étaient pareilles à toutes les autres... Un jour il se rendit compte que seulement il copiait, par exemple, si tout le monde allait chasser lui il allait chasser, si pour chasser tout le monde allait avec un fusil,  lui il allait chasser avec un fusil ou si c'était avec des lances lui il allait avec une lance. Ses amis se rendirent compte qu'ils les copiaient et faisait tout ce qu'ils disaient qu'il fasse, donc les bourgeois de tout le pays l' invitaient à ses fêtes pour rire de lui, ils faisaient quelque chose et lui copiait ou faisait ce qu'on lui disait de faire, c'était comme un clown au cirque. Ils imitent, ils copiaient tout et font ce qu' on leurs dit de faire.  

 

Un jour pendant le mois de mai de 1743, quand il rentrait d'une très longue journée de travail dans son atelier, il décida d'aller se coucher juste après dîner parce qu'il était très fatigué, mais instinctivement il pensa que les bourgeois et les nobles n'allaient pas se coucher à 5 heures de l'après-midi, il ne se coucha pas même s' il en avait très envie. Il resta toute l'après-midi en train de regarder par la fenêtre les personnes passer, jouer, rire et chanter. Il voulu aussi descendre pour jouer aux cartes, ou voir ses anciens amis, mais aussi machinalement il pensa que la bourgeoise ne descendait pas jouer aux cartes ou voir ses amis à 5 heures 30 de l'après-midi. 

 

Il était en train de penser qu'il avait perdu toute sa personnalité, qu'il ne pouvait plus vivre en imitant tout, en copiant tout et qu'il ne pourrait plus la récupérer ; quand tout à coup il vit passer les roulettes d'un cirque. Quand il était petit il adorait aller au cirque avec ses parents. Il décida d'y aller, peut-être c'était un premier pas pour commencer à récupérer sa personnalité. Un quart d'heure plus tard il était assis sur les gradins du cirque en attendant. Il y eu des spectacles d'humour, avec des clowns, des spectacles de contorsionnisme avec des contorsionnistes, des acrobaties avec des trapézistes et de la magie avec des magiciens. Il ria plus que dans sa vie entière mais le dernier spectacle l'avait troublé sérieusement. C'était un spectacle avec des fauves et de la magie. Et le groupe était composé de deux lions et d'un magicien. Le spectacle consistait en : un lion qui faisait des gestes, bougeait ou grondait et l'autre lion qui faisait les mêmes gestes, bougeait pareil ou grondait avec la même force ; il imitait l'autre, le copiait. Le magicien alors, disait quelques mots et un épais nuage bleu entoura le lion qui copiait l'autre, le magicien arrêta de prononcer ses mots magiques, le nuage disparut et au lieu d'avoir un lion robuste, il y avait petit singe poilu. Tout le monde éclata à rire, mais lui ne riait point. Quand il rentrait à la maison il n'arrêtait pas de penser à ce qu'il venait de voir. Un lion qui copiait l'autre et puis devenait un singe, il n'allait copier à partir de maintenant rien ni personne.

 

Comment récupérer d'un seul coup toute une personnalité perdue pendant plusieures années ? Il décida d'appliquer une méthode plus facile pour lui. Chaque jour il ferait quelque chose qu'il avait vu et qu'il pensait qu'elle était bien, de n'importe qui et n'importe quoi, qu'elle soit pour son bénéfice ou pour le bénéfice des autres. Mais il préférait que ce soit pour le bénéfice des autres parce que si lui il aurait était dans le cas des personnes qui mendient, il aurait aimé que quelqu'un lui donne quelques sous pour pouvoir manger. Il appliqua cette méthode et en quelques mois il s'était transformé en la meilleure personne du pays. Et il avait un nouveau travail, aussi au service de tout le monde. Il avait mis son talent au service du monde, il était devenu peintre, mais l'argent qu'il gagnait (qui était beaucoup plus) il le donnait aux pauvres. Il ne gardait pour soi que l'argent dont il avait besoin pour vivre et des fois s'acheter quelque chose comme des vêtements et des petites choses sans trop de valeur, mais dont il avait besoin pour son atelier (des pinceaux, des peintures à l' huile...). Quelques mois après, il était très aimé de toute la population et surtout il avait récupéré toute sa personnalité(qui était une personnalité améliorée, si on la compare avec celle des autres personnes) on le voyait heureux. Et en plus il avait pu récupérer l'honneur qu'il avait perdu face aux bourgeois et les nobles. Maintenant c'étaient eux qui essayaient d'imiter M. Du Sylvestre, mais ne pouvaient pas parce qu'il était très généreux et eux ne voulaient pas donner son argent aux personnes qui en avaient besoin. L'unique conseil qui leurs donnait M. Du Sylvestre était de ne pas le copier ou l'imiter et essayer d'améliorer sa propre personnalité. 

 

RODRIGO SOTO Elena / 4ème

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LE VRAI CHEMIN

 

                                                                                                                                   A mon père...

 

          Cela s'est passé un lundi de 1982, peu importe la date, dans un petit village près de Bordeaux. Hugo sortait d’une longue journée de travail, fatigué comme tous les jours. Néanmoins, il savait qu'il allait trouver un sens à ses efforts lorsqu’il apercevrait le sourire coquin de sa petite fille Léa, avec les joues toutes roses et ses deux petites fossettes. Il monta dans sa voiture, une « Seat 1500 » de 1971, dont les années avaient écaillé la peinture.

           Hugo était un homme avec des besoins simples, il se passait de luxe et d’apparences, de gaspillages inutiles et de grandes propriétés, bien qu’il en eût les moyens. Il avait une vie entièrement heureuse en travaillant et en profitant de sa famille : sa petite fille de cinq ans, Léa, et sa femme Marie. C’étaient les deux joyaux de sa vie.

          De son entreprise, le soir, il sortait toujours avec son élégance naturelle, sans aucun pli sur sa chemise, même s’il ne s’était pas arrêté un seul moment de la journée. Ce jour-là, il se dirigea vers chez lui, pensant seulement à rentrer et embrasser sa famille. Juste avant de démarrer, il trouva, parmi les différents papiers qui traînaient dans la voiture, un dessin de Léa : il y avait dessus sa femme, sa petite fille (avec un large sourire, d’une oreille à l'autre) et lui-même. À côté de leur maison, elle avait dessiné beaucoup de fleurs dans le jardin et des papillons, et dans le coin en haut à droite le soleil, ce soleil caractéristique des petits enfants: un soleil radieux avec un visage souriant, qui émettait plein de rayons. Maintenant, tout son acharnement au travail, sa persévérance tenace trouvaient une justification et une récompense, pouvoir profiter de moments uniques avec les siens.

          Oui, avec les siens…Que pourrait-on en dire ? C’était la famille que tous les voisins, tous les parents de l’école de Léa, tous les employés d’Hugo, tous considéraient comme parfaite. Mais l’était-elle vraiment ? Le mot adéquat serait plutôt heureuse. Qui peut juger que quelque chose est parfait ? Personne, car…il faudrait alors savoir ce qu'est la perfection ! Il n’y a rien qui le soit vraiment. Hugo, Marie et Léa étaient plutôt heureux. Ils avaient leurs différences bien sûr, leurs discussions, leurs disputes et leurs moments difficiles. Cependant, ils savaient s'arrêter avant que cela n’aille trop loin. Marie reprochait à Hugo de travailler trop et ne pas passer de temps avec Léa, de ne pas la voir grandir chaque jour ; mais lui voulait donner à leur fille une éducation différente. Marie voulait allait vivre en centre ville…Même s'ils en discutaient, même s'ils se fâchaient souvent, jamais ces disputes ne les sépareraient. Ils riaient parfois en s’en souvenant, ils en parlaient et se pardonnaient. Il y avait beaucoup de choses qu’ils n’aimaient pas l’un chez l’autre : Hugo pensait que sa femme était trop ordonnée et méticuleuse, Marie se plaignait de l’orgueil de son mari … Chaque fois qu’ils y pensaient, ils se disaient que finalement, toutes les personnes qui cohabitent, qui partagent une vie, toutes sans exception, ont des problèmes. La vie ne  sera jamais parfaite, on ne trouvera pas une seule personne avec laquelle on ne se dispute pas, si on l’aime. On a besoin de disputes pour savoir s’amuser, de la tristesse pour savoir ce qu’est la joie, de pleurer pour pouvoir rire…

          Enfin, Hugo arriva chez lui.  Il laissa la vieille voiture dans la rue et ouvrit la porte de la clôture, celle qu’ils avaient peinte en blanc l’été dernier, et dont la peinture n'avait pas bougé depuis. Cela donnait une lumière spéciale à l’entrée de sa maison, qui contrastait avec la lueur ténue du soleil hivernal. Chaque fois qu’il rentrait, un petit sourire se dessinait sur son visage, en se remémorant tous les moments si drôles qu'ils avaient passés en faisant cette simple tâche : ils se peignaient les uns les autres, ils y dessinaient des choses avant de peindre la couche définitive sur le bois de hêtre, avec lequel Hugo l’avait fabriquée. Cette simple clôture renfermait un espace de bonheur. Juste avant de rentrer, il regarda à gauche de la porte, à travers l’énorme vitre du salon, où ils passaient tous les soirs des moments ensemble, d’où l’on pouvait accéder au vaste jardin en été et passer des heures à balancer Léa. Il observa alors sa petite fille souriante comme toujours, ce sourire qui emplissait toute la pièce et qui transmettait son bonheur ; elle jouait tranquillement, plongée dans son monde, avec les peluches qu’elle avait mises partout dans le salon. Sa femme, assise juste derrière elle, lisait près de la chaleur de la cheminée et surveillait de temps à autre Léa, un sourire aux lèvres.

          Il rentra et sa petite fille, comme d’habitude, courut pour l'accueillir, leur petit chien Nini dans les bras. Marie les regarda avec ce regard de mère fière, pleine de tendresse envers un père aimant. Ils dînèrent tous ensemble un poulet que Marie avait cuisiné longuement. Après le dîner, ils parlèrent chacun de leur journée en se racontant les dernières nouvelles.

          En le voyant là, chez lui, parlant de ses travailleurs avec respect, sans le moindre soupçon de supériorité, on se demandait comment les années avaient forgé un homme avec un si grand cœur. Hugo était un géant, dont la taille le distinguait des autres personnes. Il était brun, les yeux verts. Il ne s’agissait pas d’un homme spécialement beau, mais qui transmettait réellement de la joie. C’était une de ces personnes (si peu nombreuses) dont l’amour est visible lorsqu’il parle de sa femme ou de sa fille. Il mettait toute son âme en ce qu’il faisait, il était toujours à la tâche. C’était un homme intelligent, perspicace, tendre, aimable... Personne ne l’aurait jugé fourbe ou sans personnalité. Ses mains étaient petites mais le travail se lisait dans toutes ses cicatrices, chacune racontait une histoire et il en était fier. Cependant lorsqu’il travaillait le bois, il le faisait avec délicatesse et douceur. Il était capable de faire le plus bel objet du monde avec patience et tranquillité, des mouvements simples, sans vouloir présumer de son habileté. Tous ses défauts et qualités faisaient de lui un homme unique et spécial, apprécié de tous.

          Il était déjà neuf heures du soir, Hugo et Marie accompagnèrent Léa dans sa chambre, ils la bordèrent en l’embrassant. Marie, comme chaque nuit, vérifia qu’il n’y avait pas de “monstres” sous le lit. Hugo avait coutume de lui lire une histoire mais ce soir-là Léa ne voulut pas. Toute curieuse, en réfléchissant, elle demanda à son père :

          « Papa, pourquoi tu n’as pas un travail chouette comme le père d’Alice qui est fabriquant de la plus grande entepize de friandises, celles de toutes les couleurs ; ou comme celui de Chloé qui fait des peluches qui font des super câlins? » Léa essayait d’étirer ses petits bras pour montrer la grande taille des nounours. Cela fit sourire Hugo, même s’il était surpris.

          Il se mit à penser aux parents des amis de Léa : il y en avait un qui était avocat, un autre propriétaire d’une agence immobilière, mais il y avait aussi une secrétaire, un cuisinier, une maîtresse d’école…Mais bien sûr, Léa ne savait même pas prononcer ces noms, elle avait simplement retenu les travaux qui intéressent  une petite fille : les friandises, les peluches…Décidément, Hugo aimait chaque jour encore plus ce petit cadeau du ciel ! C’est ce genre de choses qui captivent les enfants, et pas combien d’argent gagnent les parents, quelle voiture ils ont… L’enfance, une époque d’innocence, d’amour et d'insouciance…Qui n'aimerait pas revenir en arrière, et s’éloigner de ce monde de préjugés, de critiques, de superficialité ?  Il réfléchit à tout ça pendant quelques secondes et il répondit avec tendresse :

  • Alors, mon petit trésor, tu n’aimes pas ce que je fais ? Regarde autour de toi, tu vois tous ces jouets qui sont sur ton étagère, ce petit train que tu appelles Dino et que tu aimes tant ou cette petite table où tes peluches boivent du thé ?

Hugo montra tous les jouets de la chambre.

- Si, papou ! Mais ce n’est pas Dino, mon train rose s’appelle Dingo, ajouta-t-elle avec un petit sourire en direction du jouet.

- Et tu sais qui les a faits, ma princesse ? C’est moi, ton papa, qui les a fabriqués ! Soit attentive, je vais te raconter  pourquoi je fabrique des jouets en bois, à la place d'une histoire, ce soir, si cela te fait plaisir.

- Oui oui, bien sûr, mais commence rapidement parce que Balou l’ours et Pipo la girafe vont s’endormir !

Sur le visage d’Hugo passa une ombre fugace de nostalgie, avant de commencer son histoire :

-Très bien, allons-y : C’était l’année 1965, j’avais dix-sept ans, tu vois ? Mois aussi, j’ai été jeune ! Ça te semble lointain ? Bon…Je n’étais pas du tout ce père qui te donne un bisou toutes les nuits, j’étais, comment dire…différent, très différent. Tu vois ta peluche bleue là-bas, l’ours que t’aimes autant ? Disons qu’avant d’être l’ours que je suis aujourd’hui, plein d’amour, j’étais le singe que tu gardes dans l’armoire parce que tu dis qu’il te regarde très mal. Tu comprends ? Léa, la bouche grande ouverte de curiosité, hocha la tête plusieurs fois. Bon, continuons. Lorsque j’avais dix-sept ans, la vie était très différente. J’étais dans ma dernière année de lycée, c’est-à-dire l’école des grands, que je ne fréquentais pas beaucoup. Ce qui est très très mal, d’accord ? Je ne faisais pas des jouets, je n’étudiais pas…Je passais mon temps à me promener avec mes amis, ou ceux que je croyais tels, en regardant de haut tout le monde. Je les regardais de la même façon que Richard te regarde à l’école, comme tu dis.- Elle manifesta sa surprise, puis elle eut un rictus de colère en se souvenant de ce camarade - A mon époque, on avait tous des vestes en cuir noir, on portait toujours des lunettes de soleil, même en hiver.

- Oh là là, vous étiez un peu fous, n’est ce pas, papa ?

Hugo rit en regardant sa petite fille, qui scrutait son visage pour voir s’il mentait,  comme s’il était en train de dire la chose la plus incroyable au monde.

- Tu as raison, un peu fous… En plus, on était toujours sur nos motos, on avait l’impression que cela nous grandissait aux yeux des autres. Mais oui, on était quand même fous, tu sais pourquoi ? Parce qu’il ne faut jamais faire ce que les autres veulent, sous prétexte que ce serait mieux, car cela peut être très ridicule. N’est-ce pas ? Tu l’as déjà vu avec moi. Alors, où j’en étais ? Ah oui, on était toujours à moto, peu importe ce qu’on devait faire. J’avais un très bon copain, il s’appelait Marc, comme l’auteur du livre que tu as sur un petit enfant, Les aventures de Tom Sawyer de Mark Twain, et il était très aventurier. Disons qu’il faisait des choses qui étaient trop dangereuses, mais il aimait les faire. Je sais que c’est un peu difficile de le comprendre pour toi.- Il ajouta, en apercevant la tête de Léa, qui n’arrivait pas à comprendre un objectif aussi contradictoire - Le problème, c’est que dans ce monde, il y a des personnes qui n’aiment pas faire les choses aussi bien que toi, ils n’aiment pas… - Il réfléchissait à la manière d’expliquer tous les problèmes de notre société, de parler de toutes ces personnes sans principes moraux, sans conscience, d’en parler à une petite fille de cinq ans dont la principale préoccupation est d’entendre la phrase « Je vais le dire à ta maman ! ».- Par exemple, il y a des personnes qui n’aiment pas aider leur maman à préparer le dîner, ils n’aiment pas aller jouer au parc, ils ne veulent jamais partager leurs jouets avec leurs amis, et ils font cela dans tous les aspects de leur vie. Mon ami était une de ces personnes, même s’il a été toujours là pour moi quand j’avais besoin de quelqu’un. Tu sais que je ne viens pas d’ici, je viens de Paris, alors quand je suis arrivé dans notre ville, j’ai connu Marc. C’était mon voisin. Au début on ne se parlait pas, puis l’école commença et on était dans la même classe, on devait étudier ensemble au laboratoire en Physique-chimie, et avec le temps, on est devenu inséparables. On ne faisait de mal à personne, on jouait ensemble au football, on s’échangeait des billes, …. Un jour, on a commencé à sortir avec Louis, c’était un grand garçon brun, très beau, toutes les filles étaient folles de lui mais il avait déjà quitté l’école, il méprisait tout le monde… Il était très méchant, mais on le voyait comme un modèle à suivre;  comme quand on va au zoo et qu’on voit le lion, on sait qu’il est très cruel avec tous les animaux mais il est tellement beau qu’on l’admire, n’est-ce pas ? Alors on a commencé à l’imiter, on voulait tous être comme lui. Cela ne posait aucun problème au début, on l’accompagnait partout, on était la bande qui commande dans le quartier, celle que tous craignent quand on la voit passer dans les couloirs de l’école. On faisait des fêtes pour célébrer tous les événements qui nous venaient à l’esprit, je crois bien qu’on en inventait juste pour avoir le motif de faire la fête. Cependant, tous les jours, je me levais très fâché avec moi-même, comme quand tu fais un petit château en sable sur la plage et qu’il tombe parce que tu l’as trop touché, et alors tu commences à te fâcher contre toi-même. Moi je faisais la même chose, il n’y avait pas un seul jour où  j’étais content de la personne que je devenais peu à peu, je m’éloignais de mon père, avec lequel j’avais eu jusqu’alors une relation de confiance très étroite…Je vivais tout seul dans mon monde, je sortais en croyant que je m’amusais, puis je revenais à ma solitude, dans l’espoir qu’un jour je me lèverais et serais fier de ce que je faisais.  Alors, un jour, on était Marc et moi sur sa moto, celle que son père lui avait offerte ce Noël-là, elle n’était pas très puissante mais pour nous c’était le seul moyen de pouvoir être comme les autres… On était alors tous les deux, juste derrière Louis et le reste du groupe, on roulait à toute vitesse, on n’avait même pas le temps de regarder dans quelle direction on allait, on suivait juste les lumières pâles et vagues des autres motos. Alors, mais Marc et moi, on ne l’avait pas vu venir, il y a eu une courbe très accentuée sur la route. On a juste eu le temps de se dire qu’on avait perdu les phares qui nous servait de guide, celle des autres motos, mais sur le moment, on a pensé qu’il s’agissait d’une des blagues habituelles de Louis, éteindre le moteur pour qu’on les perde de vue. Cette fois-ci, ce n’était plus une blague, on ne voyait plus les lumières car ils étaient déjà tourné et ils étaient partis au loin. C’est alors qu’on a eu un accident… Ca a été assez grave… Moi, par malheur ou par chance, j’en suis sorti indemne, enfin sans trop de blessures graves au vue  de la situation… Marc, lui, n’a pas eu ma chance, et il s’est fait très mal… L’autre jour, quand on était dans la rue et que je t’aidais avec ta nouvelle bicyclette, tu te rappelles ? Tu es tombée parce que tu as voulu courir trop vite, et tu t’es fait très mal, Marc était comme toi mais encore plus, tu imagines ? Mais t’inquiète pas, c’était un guerrier, tout comme toi, il me disait en riant qu’il n’avait rien. On se trouvait sur une route très peu fréquentée, personne de sensé n’aurait songé à passer par ces maudites routes quand elles sont plongées dans l’obscurité. Cependant,- je m’en souviens-, en poussant un cri d’espoir, j’ai vu une voiture arriver de loin, puis j’ai commencé à faire des signes en sautant. Inutile, elle ne s’est pas arrêtée. Marc avait besoin d’aller à l’hôpital et je ne savais que faire. Alors, tu sais quoi, ma petite ? Ton grand-père est arrivé ! Je ne sais pas comment il s’est retrouvé là, à ce moment précis, jamais je n’ai su comment il nous avait trouvés ; je n’ai jamais eu le cran de le lui demander ; la seule chose que je sais, c’est que cela faisait des mois qu’on se parlait à peine, que je ne le laissais pas se mêler de mes affaires, qu’il s’endormait à vingt-deux heures ; mais ce jour-là, il est apparu à une heure du matin, prêt à nous conduire sans poser de questions, sans se demander si Marc salissait sa voiture ou comment on avait été si stupides pour en arriver là, à cet endroit, dans cet état ...  Une heure de trajet jusqu’à l’hôpital, une heure qui a été longue pour nous trois, mais surtout pour Marc. Lorsqu’on est arrivé, je n’avais jamais vu mon père aussi préoccupé, il s’occupait de tout, accompagnait Marc avec le médecin, exigeait des examens pour voir si j’avais des contusions graves… En fait, il s’occupait de nous comme maman s’occupe de toi lorsque tu te fais une petite plaie et qu’elle te soigne. Marc avait reçu quelques blessures très dangereuses… Si mon père n’était pas arrivé à temps… C’est cette nuit-là que ton grand-père m’a dit une phrase que je ne devais jamais oublier : « Cher Hugo, rappelle-toi que la vie n’est pas un sprint, mais une course de fond. Vis avec intensité chaque jour de ta vie mais rappelle-toi : n’imite rien ni personne car un lion qui imite un lion devient un singe. ». Marc est resté à l’hôpital pendant deux mois. Alors ton papa le singe a commencé à changer. J’allais tous les jours le voir, le matin avant d’aller à l’école, je me levais très tôt et je lui préparais des occupations pour qu’il ne s’ennuie pas, puis l’après-midi, je lui expliquais tous les cours et je me chargeais de prendre des nouvelles auprès des docteurs sur son état de santé.

- Papa, alors tu as commencé à devenir un ours ? demanda la petite Léa, qui ne lui tenait pas rigueur du fait qu’Hugo oubliait parfois à qui il racontait l’histoire, s’étant plongé totalement dans le passé.

- Plus ou moins, Léa, j’en suis presque à la fin : « Alors notre amitié est devenu plus forte : ce n’était plus être dans la bande avec les autres… Louis et le reste du groupe n’étaient pas retournés nous chercher, et ils n’étaient même pas allés voir Marc à l’hôpital…Comment est-ce qu’on pourrait être « amis » avec de telles personnes ? Alors on a changé. Lentement mais inexorablement. J’ai renoué avec mon père, j’ai repris sérieusement les études, et je me suis rendu compte chaque jour combien je devenais heureux, je donnais plus d’importance aux petits détails…Moi j’ai eu besoin de cette révélation, de ce que m’a dit mon père sur la vie pour commencer à évoluer. On est tous des êtres humains et on a tous des défauts, on pense que notre vie nous appartient totalement mais ce n’est que quand la vie nous secoue qu’on se rend compte qu'on vivait enfermés et aveugles, le cœur inerte, la vision sur la vie troublée, la mélancolie dirigeant notre âme, le bonheur à jamais oublié… Grâce à mon père, j’ai changé. Personne ne me reconnaissait, et moi le dernier… J’avais perdu tellement de temps à imiter les autres que je ne me souvenais même pas de qui j’étais, je recommençais de zéro. Depuis l’accident jusqu’à maintenant, j’essaye de profiter de chaque café que je bois, de chaque sourire que je vois, de chaque lever de soleil… Et j’ai laissé ce singe odieux enfermé pour toujours dans le passé, je ne voulais pas être un spectateur, je voulais être acteur de ma vie…Je me suis rendu compte que Louis n’étais même pas un lion, c’était un singe de la société, il voulait imiter ce que tout le monde croyait « cool ». Moi, je voulais être un vrai lion, qui gagne sa vie en cherchant sa nourriture, qui défend les siens, qui donne une direction à son existence…Cependant, une infime partie de moi-même reste et restera toujours un singe, comme pour tout le monde : on cherche tous à s’habiller d’une manière originale, parce que sinon ce n’est pas à la mode, on se met tous au courant des nouveautés parce que sinon on est exclus, on veut tous acheter les mêmes jouets pour nos enfants parce que sinon c’est comme si on ne voulait pas le meilleur pour eux…On est tous victimes de nous-mêmes, de la société… Cependant rappelle-toi pour toujours : « N’imitez ni rien ni personne. Un lion qui imite un lion devient un singe. » À partir de ce nouveau Hugo, dont la personnalité se forgeait chaque jour, ma vie a commencé. J’ai terminé mes études avec des notes moyennes, car j’avais passé trop de temps à m’occuper du superficiel, mais j’ai décidé que je devais faire quelque chose qui me remplirait de joie, quelque chose que j’aimais…Ce même été, j’ai aidé mon père dans son travail, c’était un modeste ouvrier dans l’industrie de l’automobile,… Il passait du temps chez nous à réparer une vieille voiture que son père lui avait laissée en héritage, c’était son rêve de pouvoir la conduire avant de mourir… Un jour que je l’aidais à la réparer, je suis allé chercher une pièce dans la cabane du jardin et j’ai vu un morceau de bois, inutile, jeté par terre… Une idée folle m’est venue, pour tuer le temps : essayer de construire un modèle réduit de la voiture que mon père rêvait de réparer. Je me suis mis au boulot et, je ne sais comment, guidé par l’espoir de voir mon père sourire, j’ai réussi à la construire… Alors, le jour de son anniversaire, le 17 juillet, je lui ai donné… C’est la seule fois de ma vie où j’ai vu mon père pleurer ; ce n’était pas le fait de savoir tailler du bois, mais d’avoir pensé à lui, d’avoir passé du temps, d’être un fils qui voulait le remercier, pour tout le travail qu’il accomplissait chaque jour afin de me donner une vie digne… Alors il m’a raconté son histoire, son rêve d’avoir une grande entreprise quand il était jeune et il m’a redit la fameuse phrase : n’imiter personne… Je devais faire ce dont je rêvais, même si mon objectif semblait irréalisable car souvent ce qui nous arrête, c’est la peur. Alors je passais tout mon temps à tailler du bois, à retailler, à perfectionner… On peut naître avec une certaine habileté, avec un don, mais rien n’est possible sans travail. J’ai commencé avec un petit magasin, plus petit encore que ta chambre, où je vendais des objets taillés et peints par mes soins. Petit à petit, je travaillais plus, j’épargnais tout l’argent possible, et j’ai réussi à agrandir ma boutique. Mon meilleur cadeau, ça a été une fantastique voiture, ma Seat 1500, que j’ai toujours. Mon père me l’a offerte en dépensant tout l’argent qu’il avait économisé pendant toute sa vie et en vendant la voiture qu’il avait rêvée de réparer. Je crois lui devoir toutes mes qualités et ma façon de voir la vie et le fait de savoir travailler dur, parce que c’était le meilleur exemple que j’aurais pu avoir. J’étais profondément triste qu’il ait dû vendre sa si précieuse voiture pour m’en acheter une autre, mais il m’a dit qu’elle ne le rendrait point heureux… Me voir triompher dans la vie, me voir joyeux et plein d’énergie lui donnait toute la force du monde. Je travaillais encore plus, je ne méritais pas tous les sacrifices de mon père mais je n’allais pas supporter qu'il l'ait fait en vain. Je besognais jour et nuit, je prenais ma nouvelle voiture et je me chargeais d’apporter les objets fabriqués à mes clients, mettant soigneusement une couverture dans mon coffre. Je conserve toujours ce véhicule sans aucune honte, c’est une partie de moi-même, qui me rappelle chaque jour comment j’ai commencé et combien cela a été difficile et, toujours, avant de monter dedans, j'imagine le sourire de mon père devant ma réussite. Un jour, j'ai eu une opportunité unique: un entrepreneur voulait agrandir mon magasin et même établir des succursales dans différentes villes, en me spécialisant dans les jouets ! Je ne pouvais pas être plus heureux, cela exigeait un labeur dur et constant, mais j’étais prêt ! Je faisais ce que j’aimais le plus dans la vie, grâce à mon père, qui m’avait sauvé de la falaise où j'allais me jeter, qui m’avais poussé à faire ce que je voulais…. Un beau matin, la plus belle fille du monde est rentrée dans la boutique…

- C’était maman, n’est-ce pas, papa ? Parce que je suis sûre que c’est la plus belle !

- Oui, ma chère Léa, c’était elle ! On s'est marié et un 18 janvier, un petit bébé est né, avec les yeux grand ouverts, et un sourire sans aucune dent, qui a conquis nos cœurs !!

          Léa s'est jetée dans les bras de son père, fascinée par l’histoire de sa vie, qu’elle n’arrivait pas à comprendre totalement mais qui lui serait utile pour toujours. Elle ne pouvait qu’admirer son père et l’aimer profondément. Souvent, Hugo pensait à son passé, à sa jeunesse plongée dans la tristesse, au début de son entreprise… Il n’arrivait pas à imaginer comment il en était arrivé à sa situation actuelle, selon lui il avait juste eu une chance incroyable et c’est pour cela qu’il vivait pour les autres. Une personne qui a subi ce changement, qui aurait pu rester un « singe », sait réellement apprécier ce qu’il possède, car les moments durs nous rendent plus forts.

          Cette nuit fut sans doute une nuit exceptionnelle.

          Hugo se leva pour aller dans sa chambre, mais sa petite fille l’appela et lui dit :

- Merci papou, c’est la meilleure des histoires !!! Je l’aime encore plus que celle de la Belle au bois dormant !! C’est maintenant mon histoire préférée !!! Je veux être comme toi quand je serais grande !!

          Alors Hugo se retourna, la regarda avec tendresse et lui dit :

 - Jamais, ma petite! Ne souhaite jamais devenir comme moi, tu devras trouver ton propre chemin à suivre, le vrai chemin de la vie, il n'y a que toi qui puisse le tracer. Tu connaitras beaucoup de personnes qui t’inspireront et t’aideront dans la vie mais finalement tu seras toute seule face à elle, c’est toi qui décideras quel chemin prendre, et ce sera le bon, car même les mauvaises décisions sont des leçons. Rappelle-toi : « N’imitez ni rien ni personne. Un lion qui imite un lion devient un singe. »

 

          Cette phrase a définitivement marqué mon enfance, et le reste de mon existence, et c’est grâce à elle qu’aujourd’hui je peux écrire cette histoire en faisant de mon rêve une réalité concrète, être écrivaine. N’oubliez jamais, chers lecteurs, qui vous êtes, et qui nous sommes. Profitez de chaque jour comme s’il s’agissait du dernier, faites de votre bonheur un moment partagé et de votre souffrance un acte d’amour. Vivez pour les autres et soyeux heureux, car le bonheur est le vrai chemin de la vie. Aimez tous ceux qui vous entourent, les moments heureux partagés sont ceux qui nous donnent de la force, quand la vie nous met à l'épreuve. Je vous le conseille, moi j’ai eu un excellent exemple, mon père. A toi, cette histoire t'est dédiée, tu seras toujours mon petit papa…

         

                                                                                                           Affectueusement,

 

                                                                                       Léa.

 

 

Blanca Pérez / 2nde

 

 

 

 

 

 

Deux amis face à un conflit

 

I

 

Mokthar arriva devant la maison de son ami. La porte en était entre-ouverte et à travers l’entrebâillement, il vit Wuadi donner un dernier baiser à son grand-père, puis son ami le rejoignit.

  • Aujourd’hui, c’est un grand jour, mon frère !

On pouvait lire l’espoir dans les yeux de Mokthar.

 

  • Non, c’est un jour comme tous les autres, rétorqua Wuadi.

  • Tu manques d’esprit, mon cher…

  • C’est un jour de plus dans cette cage, continua Wuadi ; on va à l’école pour apprendre des choses qu’on ne pourra ni voir, ni appliquer...Jamais !

  • C’est pour ça qu’on va se mobiliser !

 

Ils arrivèrent à l’école, un vieil édifice avec quelques dessins sur les murs.  Avant la fin des cours, ils récitèrent quelques prières du livre sacré puis ils partirent ensemble, toujours inséparables, vers les vielles maison qu’on n’utilisait plus. Tous les jours, plus ou moins à la même heure, un groupe nombreux de jeunes du camp se réunissait, telle une assemblée ; la plupart du temps, ils s’asseyaient et se racontaient leur quotidien, en critiquant Israël, ou ils se mettaient à imaginer comment serait leur si chère Palestine ; en effet, la plupart d’entre eux n’avait jamais vécu là-bas ni ne l’avait jamais vue, sauf dans leurs rêves.

  • Je suis né dans un camp, mais je suis palestinien…

Cette phrase est toujours présente et définit tous les jeunes Palestiniens vivant dans les camps de réfugiés en Syrie, au Liban ou en Jordanie.

  • Aujourd’hui ma mère pleurait, et elle m’a demandé si j’étais fâché contre elle parce qu’elle ne me laissait pas aller à l’école ; et je lui ai répondu que ma responsabilité était de les aider en travaillant. Le travail est dur mais tout coûte trop cher…

Pendant l’intervention d’Abdel, tout le monde se tut et ils acquiescèrent avec un geste de la tête.

 

  • Elle m’a regardé droit dans les yeux, et dans les siens baignés de larmes, j’ai vu une lueur de furie, de haine. Et elle m’a dit : « Je ne peux pas te donner en héritage une bonne éducation, mais j’aimerais te laisser la liberté, et cette liberté, on la conquiert à travers le travail et la lutte, tu dois te battre mon petit… Notre livre sacré le dit, on va écraser les infidèles. Incha’Allah !»

  • Ta mère est une femme sage. Incha’Allah !!, s’exclama Mokthar.

  • Incha’Allah !!,  répondirent-ils tous en chœur.

 

Après leur petite réunion, Wuadi devait aller travailler comme volontaire. Il aidait à surveiller et répartir la nourriture qu’apportaient les camions de l’UNRWA[1]. Là-bas, il  partageait une grande partie de son temps avec Therry, un nord-américain qui travaillait pour cette agence des Nations Unies.

Dès le premier jour, Wuadi avait bien aimé son nouveau partenaire, qui était beaucoup plus sympa que le dernier. Et ranger des boites, ce n’était pas si ennuyeux que ça, en tout cas pour Wuadi qui profitait de l’occasion pour poser et reposer des questions à son nouvel ami américain.

 

  • Tu es déjà allé en Palestine ??

  • Oui, je suis allé à Gaza, à Jérusalem et à Beersheba.

  • Moi aussi, je vais y aller un jour.

  • J’espère bien !

  • Et je vais être citoyen !!

  • Bien sûr !

  • Mais je ne comprends pas une chose…

  • Dis-moi…

  • Puisqu’on est des Palestiniens exilés de notre terre… Si on unissait toutes nos forces, on réussirait à récupérer notre pays, mais c’est le contraire qui se passe, on reste ici, dans ce camp !

  • C’est pas si facile que ça. C’est vrai que vous êtes beaucoup, exactement en 2013 près de cinq millions de réfugiés.

  • Et ils sont où, tous les autres ?

  • Un peu partout. Un million quatre cent mille personnes vivent dans des camps, comme toi. Mais mon agence ne s’occupe pas de tous les réfugiés. Sinon, c’est la commission des Nations Unis pour les réfugiés qui s’en charge également.

  • Pourquoi ? Pourquoi vous faites une différence, si au final, nous avons tous dû fuir de notre pays ? Que cela soit à cause de la guerre ou de l’occupation ? On est tous en exil. On est partis contre notre volonté et on désire tous retourner d’où l’on vient !

  • Je sais que ce n’est pas facile à comprendre, mais la seule différence qu’on fait, c’est entre les Palestiniens qui ont fui lors du conflit de 1948, et ceux qui l’ont fait lors de la Guerre des Six Jours en 1967. Et tu ne dois pas oublier les Palestiniens qui sont restés dans l’état israélien, et les réfugiés qui vivent dans le territoire palestinien, comme à Gaza.

  • Et on est tous palestiniens ?

  • Bien sûr, même si on est né dans un camp, si on vient d’une famille palestinienne, on est palestinien. C’est ton cas.

  • Oui. Et ceux qui vivent en Palestine ?

  • Eux, ils ont une citoyenneté, on les appelle des ¨Arabes israéliens¨.

Un long silence suivit ces paroles, qui laissèrent Wuadi pensif. Pourquoi faisait-on autant de séparation et de catégories ?

 

II

 

Mokthar et ses idées révolutionnaires avaient terminé par entrainer les deux amis au milieu d’une manifestation pour la libération d’un prisonnier politique.

Son ami était devant lui, il criait, il levait les bras et le drapeau. Tout se passa très vite, les cris furent de plus en plus forts, tout le monde commença à courir et un gaz prit possession de la rue. Il reçut un coup, il tomba par terre. La voix de Mokthar résonna à nouveau, il se releva et à travers le chaos, il rejoignit son ami.

Celui-ci lui sourit, et tout à du coup, il s’affaissa. Du sang, il y avait du sang partout. Il regarda ses mains, elles en étaient teintes. Wuadi était étourdi. A qui appartenait ce sang ? D’où sortait-il ? Il sentit des mains qui le tiraient. Il reconnut Shakir, un autre jeune avec qui il jouait dans les rues quand il était petit.

 

III

 

Mokthar se réveilla à l’hôpital, il ne sentait plus ses jambes. Il essaya de bouger mais il ne pouvait pas, il ne sentait rien. Une vague de terreur parcourut son corps du haut en bas, ou plutôt ce qu’il en restait.

« J’ai perdu mes jambes ! » pensa-t-il. Et un cri d’horreur sortit de ses lèvres.

Un infirmier apparut et il lui expliqua qu’il ne les avait pas perdues mais qu’elles fonctionnaient plus. Il avait fait une mauvaise chute, le jour de l’Intifada et il s’était brisé la colonne vertébrale.

 

Une semaine plus tard, Mokhtar n’avait pas prononcé une seule parole jusqu’au moment où on le ramena chez lui. Alors, il vit Wuadi. Il le regarda droit dans les yeux, avec un regard lourd de haine et de douleur. Il lui dit : « Toi, tu seras mes jambes, les jambes dont j’ai besoin pour me venger, à cause de  la tragédie qui vient de me frapper ». Wuadi ne pouvait plus faire un geste, hypnotisé par le regard de son ami.

 

Depuis cette dernière Intifada, Mokthar passait ses journées à planifier une vengeance qui consistait à poser une bombe  contre le MAGAV, car il considérait que c’était la police aux frontières israélienne qui lui avait enlevé ses jambes. Il faisait des discours sur les occupants, qui leur avaient enlevé leur territoire, afin de les transformer en parias, en réfugiés et il affirmait que la seule solution était la force. Une violence qui était légitime et juste. Wuadi avait des doutes et parfois, il aurait voulu intervenir, mais Mokthar lui disait toujours que s’il tenait avec lui, il n’avait pas de doute à avoir ; et que s’il en avait, alors c’était un traitre, car ce chemin était le seul pour obtenir sa liberté et celle de son peuple.

 

Therry s’était rendu compte que quelque chose n’allait pas chez Wuadi, il ne venait plus aussi souvent à l’entrepôt et ils n’avaient pas eu de vraies discussions ensemble depuis l’Intifada et l’accident de Mokthar.  C’est pour cela qu’un jour, il vint le chercher à la sortit de l’école.

  • J’ai besoin de ton aide, il y a beaucoup de travail et deux mains supplémentaires ne seraient pas de trop.

Wuadi regarda Therry, puis Mokthar. Celui-ci toisa avec mépris l’américain et lâcha :

 

  • Tu sais qu’aujourd’hui, on a une réunion importante.

  • Tu lui raconteras après ce que vous avez dit, il faut qu’il vienne m’aider.

  • Il peut pas y aller, je te dis qu’il a une réunion pour aider son peuple.

  • Le travail qu’il fait aux entrepôts, c’est aussi pour son peuple, pour le nourrir. Tu viens ?

 

Etonnamment, Wuadi partit avec l’américain. Quand ils arrivèrent à la distribution, le Palestinien remarqua qu’il n’y avait pas tant de boites que cela.

 

  • Pourquoi tu m’as fait venir ici ? Tu m’as menti !

  • Il faut qu’on parle.

  • Je suis trop bête. J’aurais dû aller avec mes amis, je veux pas être un traitre…

  • Tu n’en es pas un. Ecoute-moi, je suis inquiet. Qu’est-ce qui t’arrive ? Ça fait des jours que tu n’es pas venu travailler. Je sais que ton ami a eu un accident.

  • Toi, tu comprends rien!

  • Je sais que ton ami restera paralysé, pour toute la vie.

  • Et c’est pour ça que je vais le venger.

Wuadi lui répéta tous les discours de justice haineuse que tenait son ami, mais Therry l’interrompit :

  • Ton copain doit apprendre à poursuivre son existence, et il pourra le faire quand il arrêtera de penser à la vengeance. A quoi ça sert de tuer un soldat israélien ? Il pourra peut-être soulager sa douleur, mais il restera paralytique. Il doit oublier sa haine, pour pouvoir se remettre à penser ; et c’est seulement à partir de ce moment-là qu’il pourra revivre,  sur une chaise c’est vrai, mais quand même, il sera vivant. Il y eut quelques instants de silence. Quand tu dis toutes ces choses, tu répètes ce que dit Mokthar, mais toi… Tu penses vraiment ce que tu dis ?

Un autre silence.

  • Quand Mokthar parle des « Juifs occupants », il parle en général et il se trompe. Et quand les Juifs parlent des « terroristes palestiniens », ils parlent en général et ils se trompent aussi. Ils parlent de toi et de moi. Ils nous appellent des terroristes.

Wuadi fut étonné.

  • Oui Wuadi, je suis juif. Mais pas tels que Mokthar et tel que mon père l’imagine...

Wuadi le regardait, perplexe, et dans son esprit, les idées et les paroles de Mokthar s’éloignaient de plus en plus.

 

  • Mon père est juif. Il pense que les Juifs ont droit à un Etat israélien et qu’ils ont aussi le droit de nous défendre contre tous ceux qui ne le reconnaissent pas.

  • Et les Palestiniens ? Tu dis que nous, on n’a pas le droit d’avoir un Etat ni de le défendre et de lutter pour lui ?

  • Non, non ! Écoute. Mon grand-père était russe et il fut victime de persécution  pendant toute sa vie. D’abord, le Tsar avec les Pogroms, puis les Bolcheviks, même s’ils prêchaient l’Egalité... Après la Révolution russe, il s’enfuit à Paris. Il se maria là-bas, avec ma grand-mère, juive elle aussi, et ils eurent trois enfants. Lors de la deuxième guerre mondiale, les nazis arrivèrent et ils tuèrent beaucoup d’entre eux dans les camps de concentration. Mon grand-père réussit à s’échapper, et il arriva aux Etats-Unis avec mon père et mon oncle. Le reste de la famille a été tuée par ceux qui ont pourchassé les Juifs tout au long de l’Histoire. Et maintenant, il sent qu’Israël est la patrie des Juifs.

  • Donc… la souffrance du peuple juif dépasse celle de mon peuple ?

  • Non, La souffrance du mien ne peut pas justifier celle du tien. C’est pour ça que je suis ici, pour aider et pour travailler. Pour lutter et construire une patrie pour les Juifs et les Palestiniens.

  • Donc je lutte ou je ne lutte pas ?

  • Tu connais Nelson Mandela ?

  • Non.

  • Lui, il vivait en Afrique du Sud et au début, il faisait des attentats et il est allé en prison, mais ensuite, il en est sorti et il a réussi à créer un Etat où les blancs et les noirs cohabitent, sans utiliser la violence.

  • Donc je lutte mais sans violence… Comment on peut faire ça ? 

  • On va prendre l’exemple de ton ami Mokthar. Lui, il a été blessé et maintenant, son cœur est rempli de haine. Et qu’est-ce qu’il veut faire ? Attaquer des Israéliens. Du coup, l’un d’entre eux va vouloir se venger et il va attaquer un des tiens. C’est une boucle. Tu vois maintenant que la violence n’est pas une solution ? Ce qu’il faut, c’est construire la paix et la démocratie pour arriver à être libres.

Wuadi salua Therry, puis il partit. Sur la route, vers chez lui, son esprit n’arrêtait pas de fonctionner. Ce qu’avait dit l’Américain avait déclenché une avalanche de nouvelles pensées. Et si Mokthar s’était vraiment trompé ?

Une fois chez lui, son grand-père l’appela, il voulait parler avec lui :

  • J’ai vu aujourd’hui comment tu partais avec l’Américain.

Wuadi sentit une vague d’angoisse monter en lui. Il baissa la tête.

 

  • Je suis désolé, j’aurais dû partir avec Mokthar.

  • Pourquoi tu dis ça ?

  • Parce que c’est mon ami.

  • Un ami qui parle à ta place, tu baisses la tête quand tu es avec lui, tu réponds toujours « oui ». Aujourd’hui, c’est lui qui voulait décider pour toi, si tu devais y aller ou pas… Mais c’est toi qui décides. C’est toi, c’est ta vie, ce sont tes actions et ta responsabilité. Tu ne peux pas penser comme Mokthar juste parce que tu l’aimes. Tu ne peux pas l’imiter car « Un lion qui imite un lion devient un singe ». Si je te dis tout ça, c’est parce que je sais que tu es très intelligent et que tout ce qui se passe dans ta petite tête mérite d’être pris en compte. Maintenant, il faut aller dormir.

  • D’accord. Bonne nuit.

  • Bonne nuit, Wuadi.

 

Le lendemain, alors qu’il avait rejoint le reste de ses camarades pour aller à une de ces réunions, Mokthar l’entraina à l’écart, pour parler seul à seul.

 

  • J’aime pas l’américain, moi.

  • Pourquoi ?

  • Il se prend pour qui ? Comment ose-t-il bouleverser mes projets ?

  • En parlant de ça… T’es sûr que tu veux le faire ?

  • Bien sûr. Tout est organisé.

  • Je pense pas que ça soit une bonne idée…

  • Quoi ?!?

  • Non, une autre attaque ne va pas te rendre de nouvelles jambes et ne va pas non plus nous donner un Etat. Au contraire, on risque d’être tué ! Et une fois morts, on va rien régler.

  • C’est lui, non ? C’est lui qui t’as lavé le cerveau… Je savais que ce n’était pas une bonne fréquentation…

  • Mais arrête de décider pour moi ! C’est moi qui choisis les personnes de mon entourage.

  • T’es fou !

  • Non ! C’est toi qui es aveuglé par la haine et la douleur ! La violence n’est pas la solution. Elle crée encore plus de violence.

  • Traitre !

Et Mokthar éclata en sanglots. Il ne savait pas pourquoi il pleurait. Par sentiment d’impuissance ? Peut-être. Mais sans doute aussi à cause des paroles de son si cher ami, comme s’il sentait qu’il avait raison. Mais comment pourrait-il se venger ?

  • Tu en profites ! Maintenant que je ne peux plus marcher, tu me trahis !

 

  • Ne dis pas ça, car tu sais que c’est faux ! Tu es mon meilleur ami, tu l’as toujours été. Si je te dis ça, c’est parce que je ne veux pas te perdre, ni voir les autres finir comme toi, ou même mourir.

  • Traitre !

  • Non ! Moi, je veux un Etat autant que toi ! Vivre et mourir en Palestine, dans notre Etat. Et je veux être libre, pouvoir vivre sans avoir peur. Toi aussi, tu veux ça, tous les Palestiniens veulent ça, mais tu sais qui le veut aussi ? Les Juifs. Pourquoi on se bat si on veut la même chose ? On devrait parvenir à créer un Etat où Palestiniens et Juifs puissent vivre sans racisme, sans violence, en cohabitant. Je suis désolé, mais je vais pas te suivre sur le chemin de la violence, même si tu es mon meilleur ami. Et c’est parce que tu occupes cette place d’ami que je te dis : « Regarde-toi ». Quel est ton souhait ? Combien de tes amis devront partager ton sort ?

 

Pour finir, Mokthar écouta Wuadi et ne réalisa pas son attentat. Ce dernier apprit à se faire écouter et à défendre ses idées.

Le conflit israélo-palestinien est toujours d’actualité, mais les deux amis poursuivent la lutte, sans violence bien sûr, pour parvenir à un Etat de coexistence pacifique entre Juifs et Palestiniens, sans racisme.

 

 

[1] L'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA - United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East en anglais)

 

Martina PELAEZ / 2nde

 

 

 

 

 

 

 

 

bottom of page