A Londres, le mercredi 17 mai 1723

 

 

A mon frère, le comte de Westbrook,

 

 

Mon très cher frère, je vous hais.

 

Ma haine contre vous a assurément une raison, vous n'aviez aucun droit de la compromettre comme vous l'avez fait. Elle est revenue à la campagne la tête baissée et les joues en larmes ; une honte terrible s'est emparée de moi, je ne pouvais croire que vous étiez mon frère. La colère s'est emparée de mon cœur comme un poison acide qui lui ronge les parois. Je ne vous croyais pas capable de telles horreurs. Actuellement elle est, à tour de rôle, en pleurs puis en colère, très en colère, assez pour vous traiter de sale scélérat qui ne profite que de maisons closes. Vous étiez complètement conscient de l'amour qu'elle vous portait, c'est pour cela que vous ai fait jurer sur votre honneur que vous ne lui feriez point de mal mais j'ai pu constater que votre honneur ne vous importait que peu.

 

Vous avez réussi à ramener vers nous, votre famille, la perfide et incessante moquerie de la bonne société. Suzanne ne pourra faire ses débuts, Emma vous réclame tout le temps, pour elle votre absence n'est qu'une irritation momentanée. Père vous présente comme l'ennemi de la famille, maintenant que la noblesse nous évite, il risque la faillite. Mère se saoule au brandy, au cognac, au rhum, au ratafia car elle ne peut admettre que son cher aîné puisse être à présent le paria de notre société. Moi, à vrai dire, je ne sais que penser. Vous avez détruit nos vies en à peine quelques secondes lorsque vous avez décidé d'embarquer pour l'Inde. J'espère juste que le démon des remords se soit réveillé en vous, mais puisque vous ne pouvez arranger vos torts, je ne peux être sûr de ce que je ressens envers vous. Je vous aime, je ne puis m'en empêcher, même après toutes les atrocités que vous nous avez fait subir.

 

Votre frère qui tient à vous : le baron Park-Roth.

 

Salomé Duflaut (4ème)